lundi 14 août 2023

«Bird Sense : What It’s Like to Be a Bird» de Tim Birkhead

 

J’ai lu «Bird Sense : What It’s Like to Be a Bird» (2012) de Tim Birkhead, un prof d’université, ornithologue et vulgarisateur scientifique de renom. Birkhead, muni de ses expériences personnelles avec les oiseaux, retrace l'évolution des connaissances sur les oiseaux surtout à la lumière des dernières années qui nous ont fait progresser à la vitesse grand V grâce au développement des technologies. 

Il a choisi de faire le tour de ces connaissances scientifiques accumulées par le biais des sens. Il nous fait découvrir ce que nous savons de la nature biologique du sens en lui-même et comment ceux-ci sont utilisés par les oiseaux dans leur environnement et leurs interactions. Ainsi, dans «Bird Sense» il aborde les cinq sens; la vue, l’ouïe, le toucher, le goût, l'odorat, auxquels il ajoute le magnétisme et les émotions, ce qui nous donne sept chapitres fort intéressants.

Birkhead fait souvent référence à l’humain pour nous aider à comprendre l’aspect incroyable ou fantastique des sens et des comportements des oiseaux. Ses explications impliquent également l’histoire de la science en exposant les premières croyances, le renversement de mythes et les découvertes scientifiques plus récentes. D’autre part, l’auteur utilise sciemment, probablement afin de maintenir l’attention du lecteur, des exemples d’espèces d’oiseaux dotés de capacités extrêmes.

Les fovéas des rapaces

Le premier chapitre aborde la vue, on apprend rapidement que l’œil des oiseaux n’est pas comme le notre et c’est pourquoi ils ne voient pas comme nous. Ainsi, on découvre que les rapaces sont dotés de deux fovéas, la zone de la rétine où la vision des détails est là plus précise, ce qui leur permet d’obtenir (de voir) une image beaucoup plus nette avec beaucoup plus de détails que nous. Les chouettes et les hiboux ne disposent pas d’une grande acuité visuelle, mais ils peuvent voir même dans un contexte de très très faible luminosité. Les poules ont une vision bifocale, elles utilisent un œil pour la vision rapprochée notamment pour s’alimenter et l’autre pour parcourir l’horizon à l’affût des prédateurs. Les Faucons pèlerins ne se jettent pas directement sur leurs proies, ils parcourent la distance d’attaque plutôt dans un trajet courbe en utilisant leur œil droit. On sait également que de nombreuses espèces d’oiseaux peuvent dormir avec un œil ouvert, permettant ainsi à une moitié de leur cerveau de se reposer pendant que l’autre moitié surveille.

L'appareil auditif des oiseaux est aussi différent de celui des humains. Les oreilles des chouettes et hiboux sont asymétriques et leur acuité auditive est très grande. Voilà pourquoi ils peuvent entendre une souris sous la neige, la localiser et la capturer. Le Guacharo des cavernes, un proche parent des engoulevents, utilise l'écholocalisation pour se déplacer dans l'obscurité totale.

La capacité auditive des oiseaux varie selon la saison. Ainsi, le lien entre le chant et la reproduction signifie que leur capacité à entendre peut varier en fonction des changements hormonaux saisonniers. La capacité de chanter a tendance à augmenter avec l’envie de nicher. Les zones concernées de leur cerveau varient également en taille.

La plupart des oiseaux qui vivent en milieu urbain doivent augmenter le volume de leur performance vocale d’au moins 14 décibels pour être entendus alors que les Mésanges charbonnières ont plutôt choisi de modifier la fréquence de leur chant pour se faire entendre.

Quant au sens du toucher, il y est question des récepteurs présents autour du bec des canards barboteurs qui vont les aider dans le choix des plantes aquatiques pour s’alimenter. Il en va de même pour les limicoles. De plus, le sens du toucher est impliqué dans le lissage des plumes autant pour ses propres plumes que pour les plumes de ses congénères. On apprend que le lissage de plumes dans un même groupe peut être d’une grande importance notamment lorsqu’il y a des infestations de tiques. La langue des pics leur permet de confirmer la présence d’insectes dans une cavité. La peau des oiseaux est sensible au toucher et à la chaleur puisque c’est d’une importance capitale lors de l’incubation des œufs. C’est dans ce chapitre sur le sens du toucher que Bickhead aborde une de ses spécialités, la promiscuité chez les oiseaux, pour ne pas dire la copulation.

La présence du sens du goût chez les oiseaux leur permet notamment de déceler les chenilles qui sont comestibles de celles qui sont toxiques. Les colibris sont en mesure d’identifier les nectars les plus sucrés. Ils vont préférer ces fleurs.  Bickhead souligne que le champ de la recherche sur le sens du goût chez les oiseaux est ouvert, encore en défrichage.

En ce qui concerne l’odorat, l’auteur revient sur toute la controverse entourant l’odorat des Urubus à tête rouge. Il présente le conflit qui a opposé Audubon à l’excentrique Charles Waterton. À l’époque, même si Waterton avait raison, à savoir que l’odorat des Urubus à tête rouge était très développé, la communauté ornithologique l'a ignoré. Aujourd’hui les chercheurs sont capables de mesurer la taille du bulbe olfactif des oiseaux et de déterminer ainsi leur sensibilité à détecter des odeurs.

Le sens magnétique ou le magnétisme, je ne sais trop comment devrait être nommée cette capacité de naviguer à l’aide du champ magnétique terrestre. Néanmoins, ce chapitre du livre aborde les exploits de nos grands voyageurs comme cette Barge à queue barrée de l’Est, une femelle numérotée 4BYWW, qui a complété sans escale le trajet de l’Alaska à la Nouvelle-Zélande. Un voyage de 12 200 kilomètres qui lui a pris 8 jours et 12 heures à une vitesse moyenne de 59 km/h. La miniaturisation des géolocateurs radio a révolutionné notre connaissance des trajets migratoires des oiseaux. Des oiseaux de plusieurs espèces ont été capturés plus relâchés loin de leur lieu de rassemblement, tous retrouvaient leur chemin de retour. La capacité de naviguer existe, mais comment font-ils? Les chercheurs ont rapidement compris que les oiseaux utilisaient le soleil, puis les étoiles. Ils ont finalement exposé des oiseaux à un champ magnétique dont ils pouvaient modifier l’orientation pour démontrer que les oiseaux pouvaient utiliser le champ magnétique terrestre. Plusieurs hypothèses sont mises de l’avant pour expliquer comment les oiseaux «sentent» le champ magnétique. La plus en vogue est associée à la découverte de la présence de cristaux de magnétite autour de l’œil et de la cavité nasale de certains oiseaux.

Après six chapitres sur les sens, Birkhead aborde le septième et dernier chapitre en parlant des émotions aviaires... Est-ce qu’ils ressentent la douleur? Est-ce qu’il y a de l’amour d’impliqué chez les espèces considérées comme monogames? Est-ce que des émotions pourraient être ressenties dans des cas d’infidélité aviaire? Certains comportements ont été associés au deuil, est-ce uniquement de l’anthropomorphisme ou des émotions sont impliquées?

Ce dernier chapitre nous entraîne dans le domaine le plus méconnu de tous. Après nous avoir appris tant de choses, Birkhead, pour toute réponse à ces questions, nous dit «Je vous laisse décider». Son impression, c’est que les oiseaux éprouvent quelque chose… 

La version française

Dans ce bouquin, Birkhead nous fait bénéficier de sa compréhension unique des oiseaux. Ainsi, en combinant ses expériences terrain, la richesse des faits scientifiques et son talent de conteur, il réussit à nous en apprendre énormément au sujet de ce que c’est que d’être un oiseau. C’est un livre fascinant qui nous rappelle également nos responsabilités à l’égard de ces êtres vivants qui volent.

Le livre est illustré par Katrina van Grouw qui a inséré un dessin explicatif au début de chaque chapitre.

Pour en savoir plus à son sujet: https://en.wikipedia.org/wiki/Katrina_van_Grouw


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