dimanche 10 janvier 2021

Deux approches pour dresser l’histoire mondiale de l’ornithologie...


«L’histoire de l’ornithologie» de Valérie Chansigaud, 2014, 384p est le bouquin à lire et à regarder portant sur cette science et en français. Il n’y avait rien de nouveau en français depuis le livre de Maurice Boubier, «L’évolution de l’ornithologie», paru en 1932.

Cette 2e édition du livre de Chansigaud peut être considérée comme étant dans la catégorie des «beaux livres», le papier est épais et glacé et l’on y admire plus de 250 photos et illustrations en couleur. L’éditeur utilise «de l’ignorance à la passion» comme sous-titre et c’est bien vrai puisque nous sommes passés de l’extermination d’espèces à leur protection.


L’approche y est chronologique en commençant par l’antiquité, le moyen âge, la renaissance, etc. jusqu’au XXe siècle. La structure de l’ensemble de l’ouvrage est un peu dicté par la collection dans laquelle il s’inscrit comme troisième titre. Elle le dit elle-même, «écrire une histoire de l’ornithologie c’est faire des choix». Ainsi, les ornithologues des États-Unis lui reprochent d’avoir oublié ou pas suffisamment parlé de certains de leurs plus grands. Nous pourrions mentionner qu’il n’y a pas beaucoup de place pour la Nouvelle-France comme colonie. Les populations autochtones de ces mêmes colonies sont peu évoquées, les femmes sont presque absentes. L’histoire travaille d’abord avec les écrits disponibles dans les langues que l’historien peut comprendre. C’est pourquoi de nouveaux éléments peuvent s’ajouter en provenance de l’Asie ou du monde arabe, moins documentés en français en matière d’ornithologie. Vous trouverez tout de même dans cet ouvrage toutes les œuvres qui ont manqué l’évolution de cette science ainsi que les personnages qui y étaient associés. L’auteur prend également le temps de placer l’importance de la taxidermie, de l’illustration, des musées, de la naissance des associations nationales dans le développement de l’ornithologie. Un superbe ouvrage que les bibliothèques francophones devraient placer sur leurs rayons.

Avec «The Wisdom of Birds: An Illustrated History of Ornithology» (2008), Tim Birkhead amène


l’histoire de l’ornithologie ailleurs. L'auteur est professeur à l'Université de Sheffield où il enseigne le comportement animal et l'histoire des sciences. L'écriture de ce livre lui aurait pris plus de cinq ans. Il voulait écrire sur la façon dont les scientifiques à travers l'histoire ont découvert des choses sur les oiseaux et c’est très réussi. Il a eu l’idée d’examiner le développement historique de différents aspects de la biologie des oiseaux tels que l’instinct et l'intelligence, la migration, la reproduction, la notion de territoire, le chant, etc. en ayant comme point de repère l'œuvre de John Ray. De là le titre de son livre, un clin d'œil au «Wisdom of God» (1691) de Ray. D’ailleurs le titre complet de cette œuvre majeure est «The Wisdom of God Manifested in the Works of the Creation», qui aurait été édité vingt-trois fois entre 1691 et 1846. Ainsi, Birkhead nous raconte ce qu’il y avait comme théorie sur un sujet avant Ray, quelle a été la contribution de Ray et ce qu’il a eu après Ray.

Ray voulait notamment construire son travail sur l’observation et faire disparaître la symbolique, les fables et les légendes concernant les oiseaux. Il se trouverait donc à l’origine de l’ornithologie de terrain qui s’intéressera davantage aux comportements et à l’écologie en parallèle à l’ornithologie systématique qui continuera à développer la classification et la taxonomie des oiseaux. Sa contribution aux deux axes aura été importante. Ces deux approches seront plus tard unifiées par Erwin Stresemann, un ornithologue réputé, avec la publication de sa section sur les oiseaux dans le «Handbuch der Zoologie» (1914-1934).

Au sujet de la migration des oiseaux, cette possibilité était envisagée depuis très longtemps, mais elle était régulièrement mise en doute. L’idée semblait plus acceptable pour les grands oiseaux que l’on considérait capables de traverser les grandes étendues d’eau. Toutefois, pour les petits oiseaux toutes les idées étaient les bienvenus… ils se cacheraient sous l’eau, dans la boue, ils seraient en hibernation comme les chauves-souris, etc. De son côté Ray était un partisan de la migration sans disposer de toutes les explications nécessaires. Les oiseaux se déplaceraient pour trouver de la nourriture… C’est en observant les oiseaux et en faisant des expériences que nous en sommes venus à mieux comprendre ces déplacements complexes de migration. Nous savons que le baguage des oiseaux est devenu sérieux qu’au 20e siècle, mais il y a bien eu quelques expériences auparavant. Au 18e siècle, un ornithologue a peint en rouge, avec de la peinture soluble dans l’eau, les pattes d’un certain nombre d’hirondelles afin de démontrer qu’elles ne se cachaient pas sous l’eau… Les hirondelles sont effectivement revenues chez lui avec les pattes encore peintes de rouge. C’est par ce genre d’exemple que l’auteur nous fait avancer dans le développement des connaissances autour d’un sujet… un bouquin impossible à résumer, mais des plus intéressant à lire.

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