Je viens de compléter la lecture de «Darwin, le dernier chapitre» de Michel Moatti, un roman (ou récit) historique publié en 2024. Ce livre a reçu le Prix Max Gallo du roman historique la même année. Le roman est largement inspiré des carnets de voyage de Darwin et du journal de bord du capitaine Robert FitzRoy. L'auteur y entremêle habilement des faits historiques et des éléments fictifs pour offrir une reconstitution vraisemblable de cette expédition.

Je me permets ici une parenthèse pour brièvement raconter la petite histoire des carnets de Darwin qui ont permis la réalisation de ce projet d'écriture de Moatti. Durant le voyage du Beagle (1831-1836), Darwin prit des notes dans quinze carnets. En l'an 2000, deux petits carnets de Darwin ont été retirés des archives de la bibliothèque de l’Université de Cambridge pour être photographiés, mais ils ont subrepticement disparu. Il est facile d'imaginer que ces carnets ont une valeur inestimable sur le plan scientifique et historique. D'ailleurs, un de ces carnets contient «l'arbre de la vie» dessiné par Darwin, un croquis fondamental dans le développement de sa théorie de l’évolution. Pendant un certain temps, l'université a cru qu’ils avaient simplement été mal rangés dans l'immense collection de la bibliothèque. Finalement, en 2020, la bibliothèque a officiellement déclaré la disparition des carnets et a lancé un appel au public pour les retrouver en considérant qu'il pouvait s’agir d’un vol. Et bien, croyez-le ou non, deux ans plus tard, contre toute attente, les carnets ont été retrouvés dans un sac de magasinage rose déposé anonymement à l’intérieur de la bibliothèque, avec un mot disant simplement - «Librarian, Happy Easter». Aujourd'hui, les carnets sont en sécurité et ils ont été numérisés pour être consultables en ligne. Cette histoire rocambolesque est devenue l’un des cas de disparition d’archives les plus bizarres du monde universitaire.Alors, le récit débute en décembre 1831, lorsque le HMS Beagle quitte Plymouth pour une expédition de cinq ans autour du monde. À son bord se trouve Charles Darwin, un jeune naturaliste de 22 ans invité par le capitaine Robert FitzRoy afin de lui tenir compagnie et de l'aider à surmonter la mélancolie des longs voyages. Il lui avait été recommandé par un ami d'un ami. Ce voyage mènera le navire en Terre de Feu, en Patagonie et au-delà. C'est ce voyage qui permit à Charles Darwin de recueillir les matériaux de sa future théorie de l’évolution. Moatti intègre du mystère dans le volet fictif de l'aventure. Il y aura des événements étranges, des disparitions, des hallucinations et aussi l'ombre du précédent capitaine qui s'est suicidé, qui planera sur l'équipage. Malgré cette ambiance et le mal de mer, Darwin collecte des spécimens et consigne ses observations. Beaucoup de spécimens, des insectes, des plantes, des oiseaux, des poissons, des mammifères, qu'il expédie en Angleterre dès qu'il en a l'occasion. | Le Darwin habituel |
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Le Darwin à bord du HMS Beagle |
L'auteur veut nous faire voir et entendre un jeune Darwin, et non pas le vieux savant barbu auquel l’imaginaire collectif est habitué. Ainsi, il utilise certains personnages pour mettre de l'avant les tensions entre science et religion. Il tente de faire ressortir les défis intellectuels et psychologiques auxquels Darwin est confronté. Il est tiraillé entre son éducation religieuse et les doutes que ses observations font naître en lui. Peut-il vraiment remettre en question l’ordre divin? Notre jeune Darwin est parfois dépassé par l’étrangeté du monde qu’il découvre. À cela s'ajoute la vie à bord d'un petit navire, les conditions de voyage sont rudes et les marins, superstitieux, se méfient de Darwin et de ses collections de bestioles.Même si Moatti à une belle plume qui se lit bien que l'intégration des extraits de carnets, de lettres, et de réelles réflexions de Darwin est réussie, de mon point de vue, il n'arrive pas à créer de suspense. On demeure plutôt dans un documentaire romancé d’un grand voyage scientifique. Quoiqu'il explore davantage les doutes de Darwin face à ce qu'il découvre. Il fait vivre Darwin pour le lecteur. Malheureusement, la rigueur historique de Moatti fait en sorte que le récit est lent et perd l'attention du lecteur. Il y a parfois de longues descriptions, des monologues et peu de rebondissements avant les derniers chapitres. Ce n’est qu’à la fin que le roman installe un peu de tension. C’est là que certains événements mystérieux sont élucidés. Je m'attendais à plus d'intrigue autour du personnage central que devait être Darwin. Si vous êtes un fan de Charles Darwin, vous avez là une nouvelle version d'une partie de sa biographie avec un accès à ce qui se passe dans sa tête.
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The Complete Work of Charles Darwin Online
https://darwin-online.org.uk/
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