dimanche 12 novembre 2023

La mystérieuse histoire du nom des oiseaux de Henriette Walter & Pierre Avenas

 

Je viens de terminer la lecture de «La mystérieuse histoire du nom des oiseaux - Du minuscule roitelet à l'Albatros géant» écrit par Henriette Walter et Pierre Avenas, un gros bouquin de 375 pages qui traite de 262 noms d'oiseaux. Ils ont choisi leurs noms d'oiseaux à explorer dans la mesure où ceux-ci figuraient dans trois dictionnaires français courants, soit le Larousse, le Robert et le Hachette. Ainsi les auteurs nous décrivent l'origine de ces noms d'oiseaux en prenant en considération plusieurs éléments, dont les noms de ces oiseaux dans d'autres langues, notamment l'italien, l'espagnol, l'anglais et l'allemand . Il considère également les écrits des naturalistes d’Aristote et Pline l'ancien jusqu'à Linné, Cuvier et Buffon de son vrai nom Georges-Louis Leclerc. D’ailleurs, les auteurs reviennent souvent sur les remarques de Buffon à l’égard du travail de Linné dans l’attribution des noms d’oiseaux bien entendu. L'ouvrage est divisé en 19 chapitres qui représentent autant de façons d'aborder l'origine des noms d'oiseaux.  Ainsi certains noms proviennent d'une autre langue ancienne comme le latin, le grec , le breton, le normand, le Celte, etc. Par contre, beaucoup de noms d'oiseaux sont liés à d'autres choses comme les sons, leur comportement, des formes, des couleurs ou une région géographique. La longueur des textes consacrés à chaque nom d’oiseau est très variable, certains font l’objet d’un seul paragraphe alors que d'autres bénéficient de quelques pages de commentaires et remarques. Les auteurs ont également agrémenté leur texte d'encadrés intitulés «Récréation» avec lesquels ils se permettent, sous forme de quiz, de s'éloigner légèrement du sujet principal de façon rigolote.

Le premier chapitre intitulé «Le Quartier latin des oiseaux» aborde plus d'une trentaine de noms d'oiseaux dont l'origine est latine. On y apprend que le nom de l'aigle en latin est «aquila» qui peut être relié à l'adjectif «aquilus» qui veut dire «de couleur brune». Voici d’autres exemples : «acceptor» en latin signifie «un oiseau qui prend» et représente l'autour en français; «avis tarda» en latin signifie  «l'oiseau lent» qui donne l’outarde en français; «mergulus» en latin  signifie «petit oiseau plongeur» pour le mergule; «vultur», c’est «un oiseau qui arrache» pour le vautour en français.  Il est un peu plus particulier de constater que le nom du faucon vient de «falco» qui se relie à «falx» et «falcis» dans le sens de faux, l’outil, à cause de la forme des griffes aux pattes de cet oiseau qui ressemble à une faux.

Pour les noms d’origine grecque (2e chapitre), le meilleur exemple est probablement  le nom pygargue vient de «pugargos» qui est formé de «pugê» pour fesse et «argos» blanc qui signifie «qui a les fesses blanches», on comprend que la Pygargue à queue blanche d'Europe est bien représentée par ce nom. Pour des noms qui origine d'autres langues, les auteurs abordent l'émerillon qui vient du francique «smiril» qui signifie faucon de petite taille, dans le même esprit, le merlin des anglophones origine de «esmerillon» en vieux français. Le faucon gerfaut vient du germanique «gerfalko» où «ger» signifie vautour et «falko» veut dire faucon. Le nom d'oiseau épervier est aussi d'origine germanique, il provient de «sparwari» dont le «sparw» est associé à moineau comme sparrow en anglais et le «ari» signifie aigle donc l'aigle des moineaux. On obtient un rapace prédateur des moineaux, en anglais les Européens ont justement un sparrowhawk. Pour ce qui est de l’eider, la plupart des langues ont emprunté son nom à l’islandais «aedur». Saviez-vous que les ornithologues francophones utilisaient pingouin pour les espèces du nord et manchot pour les espèces du sud? Le nom pingouin viendrait de l’ancien néerlandais «pinguin». Le nom du harfang vient du vieux suédois «harfaong» qui est l’assemblage de «hare» pour lièvre et «fanga» pour prendre, un rapace qui capture des lièvres. Un certain nombre de noms d’oiseaux proviennent de langues autochtones comme l’urubu qui vient de «yrybo» en guarani, une langue du Paraguay. On n’aurait pu s'attendre à ce qu’il y en ait plus.

Laissons les langues pour maintenant aborder les autres types d’origine mis de l’avant par les auteurs. Pour les noms d’origine géographique, on peut penser à dinde et dindon qui proviennent initialement des dénominations «poule d’Inde» ou de «paon des Indes», les explorateurs se croyant aux Indes… Parfois ce sont les caractéristiques de l’oiseau qui s’imposent. Le nom bécasse est associé à leur long bec et en italien on dit «beccaccia» en espagnol on dit «becade». Dans le cas du canard pilet, son nom vient de sa longue queue pointue comme un javelot qui vient de «pilum» en latin. Toutes les langues font référence aux plumes de sa queue.Le canard colvert tient son nom de sa tête et de son cou de couleur verte chez le mâle en période de reproduction. Certaines origines de noms d'oiseaux sont associées à la notion de son. Ainsi, le nom crécerelle fait référence au cri de l’oiseau qui ferait penser au bruit d’une crécelle. Le nom bruant vient du verbe bruire qui signifie un bruit plutôt fort, la forme première était «bruyan» puis «bruant» pour exprimer un petit passereau bruyant! Les noms goéland et mouette auraient aussi pour origine le cri de ces oiseaux. Seuls les francophones utilisent deux noms pour dénommer ces oiseaux. Le nom goéland viendrait du breton «gouelan» qui signifie pleurer tout comme en anglais «gull» vient du gallois  «guylan». Lorsque le goéland cri, on dit qu'il pleure. Le nom mouette serait un diminutif anglo-normand de «mave», ou «mauve» qui est aussi apparenté à l’allemand «möwe» qui dans sa prononciation se rapproche du cri de la mouette. Maintenant, passons au comportement de l'oiseau comme source d’attribution d’un nom. Le nom moqueur lui a été donné pour ses capacités d'imitateurs. Le nom grimpereau vient du verbe grimper parce qu'il grimpe aux arbres. Le tournepierre se nomme ainsi parce que c'est ce qu'il fait, son nom est explicite dans toutes les langues. Il en va de même pour notre plongeon huard, il plonge et il a un cri particulier, le qualificatif de huard vient du verbe huer qui signifie crier. Le chardonneret a hérité de ce nom parce qu'il mange du chardon. Le nom troglodyte fait référence au fait qu'il habite dans des trous. Le fou de Bassan doit vivre avec cette étiquette parce qu'il ne se défend pas quand on cherche à l'attraper ou à prendre ses œufs. Toutes les langues utilisent un équivalent de fou pour le désigner. Quant au qualificatif de Bassan, il provient du nom de l'île de Bass Rock où il y a une des plus grosses colonies de fous de Bassan. 

Comme je le mentionnais au départ, le livre de Walker et Avenas n’aborde que 262 types de nom alors qu’il y a plus de 10 000 espèces d’oiseaux. Sans compter qu’il y a un chapitre sur les noms dont l'origine demeure inconnue comme souchet et harle! Je vous entends vous interroger, d’où vient le nom de tel ou tel oiseau? Eh bien, vous avez des pistes de recherche bien documentées dans ce bouquin. C’est un livre de référence intéressant à consulter selon votre curiosité.

Ce sujet vous intéresse particulièrement, vous pouvez également consulter en ligne le projet de dictionnaire historique des noms d'oiseaux « Noms français des oiseaux du monde (NFOM)» mis en place à l'initiative de Louis Mercier, maintenant professeur à la retraite de l'Université de Sherbrooke. Il y a actuellement des fiches descriptives pour environ une centaine de noms d'oiseaux.







1 commentaire:

  1. Cette référence récente pourrait aussi être fort pertinente: Pierre Cabard, « L’Étymologie des noms d'oiseaux - Origine et sens des noms des oiseaux du paléarctique Occidental», nouvelle édition révisée, augmentée et corrigée, Dessins de François Meurgey et Bernard Guédon , Delachaux & Niestlé, 2022,765 pages

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