mardi 12 avril 2022

L'histoire ornithologique du Québec en direct du passé de Réal Boulet


J'ai complété ma lecture de «L'histoire ornithologique du Québec en direct du passé» (2022) de Réal Boulet. Mentionnons tout de suite que Réal est un collègue ornithologue d'expérience et qu'il est un passionné d'histoire. J'ai déjà eu l'occasion d'assister à une de ses conférences qui portait sur la première moitié du contenu de son nouveau bouquin. Je ne sais pas si c'est sa conférence, la pandémie ou mon intérêt pour Champlain (probablement un mélange de tout cela), néanmoins je peux affirmer que j'ai fréquenté les textes de presque tous les personnages dont il est question dans son ouvrage de référence. Je connaissais ce dont il est question dans ce livre.


Il me faut prévenir les lecteurs qu'il ne s'agit pas de l'histoire de l'ornithologie au Québec, bien que certains aspects et/ou personnages puissent en faire partie. L'auteur le mentionne lui-même d'entrée de jeu que ce n'était pas là son objectif, tout en nous référant à d'autres textes qui l'abordent plus directement. L'auteur nous invite à partager un parcours dans le temps en ayant recours à des textes de personnages qui ont eu l'occasion d'observer des oiseaux il y a plus de 400 ans, dans le cas de Jacques Cartier.

Cet ouvrage a le mérite de rassembler dans moins de 300 pages l'essentiel des citations des personnages historiques qui ont fait mention des oiseaux qu'ils ont observés sur le territoire québécois de leur époque respective. Je vous assure que ce livre prend moins de place que tous les documents que  j'ai entreposés dans un répertoire du disque dur de mon ordi...

Avant d'aborder quelques détails de l'ouvrage, je tiens à féliciter Réal pour son travail de moine, ou d'archiviste (ou plutôt d'historien) et dire que j'ai bien apprécié de me replonger dans ces documents plus ou moins anciens et d'y confronter mes perceptions avec celles des différents spécialistes «commentateurs», dont Michel Gosselin. Je vais commencer en abordant la question du perroquet que Champlain aurait observé, il s'agirait de la Conure de Caroline. En complément au livre, j'invite les intéressés et les curieux, à lire l'article de Claude Ducharme,  «Le perroquet de Champlain», dans Le Jaseur, automne 2013, Vol.33 No.3, pp.8-9, disponible sur le site de la Société de loisir ornithologique de l’Estrie (SLOE). D'autre part, on lit plus loin dans le livre que le baron de Lahontan l'a peut-être observé lui aussi...

On constate rapidement que ce n'est pas d'aujourd'hui que les observateurs d'oiseaux sont fascinés par les «oiseaux mouches», nos colibris. La plupart des descriptions qu'en font nos personnages historiques sont assez savoureuses. Mais ici, ce qui a attiré mon attention, c'est le volet «migration» de nos oiseaux. Gabriel Sagard écrit en 1623 en parlant du colibri «Cet oyseau (à ce qu'on dit) se meurt, ou pour mieux dire s'endort, au mois d'Octobre, demeurant attaché à quelque petite branchette d'arbre par les pieds , & se réveille au mois d'Avril, que les fleurs sont en abondance, & quelques fois plus tard.» C'est une belle présentation des perceptions de l'époque. Puis, F.-X. de Charlevoix note en 1720, «Il y a bien apparence qu'il se retire vers la Caroline, où l'on assûre qu'on ne le voit qu'en Hyver.». On constate que les observations s'accumulent permettant aux connaissances d'évoluer. En 1749, avec Pehr Kalm, on connaît encore mieux les Colibris à gorge rubis «Ces oiseaux arrivent ici au printemps au moment où il commence à faire chaud et font leur nid en été, mais vers l'automne, ils se retirent à nouveau dans les pays du sud de l'Amérique.».

L'auteur a relevé un aspect concernant les sites de nidification qui m'a aussi fasciné. L'île aux Hérons accueille des Grands hérons depuis des siècles, ils y sont encore aujourd'hui. Il en va de même pour l'arrêt annuel des Bernaches du Canada au Lac St-Pierre, elles le font depuis des siècles... impressionnant!

Il est également fort intéressant de constater que nos personnages historiques font état de la diminution des populations d'oiseaux dès 1720 avec les écrits de Charlevoix. Puis, en 1749, Kalm précise que «les oiseaux dont la chair ne se mange pas augmentaient en nombre.». Cette préoccupation quant à la disparition éventuelle d'espèces d'oiseaux revient aussi dans les écrits d'Audubon lors de son expédition sur la Basse-Côte-Nord en 1833. Il y est question des milliers d'oiseaux de mer et de pingouins tués. Il fait aussi allusion aux «eggers» qui récoltent les oeufs notamment des Fou de Bassan.

À cet égard, pour ceux et celles qui s'intéressent à l'expédition de Jean-Jacques Audubon sur la Basse-Côte-Nord, il faut consulter les textes et documents produits par Pierre-Olivier Combelles. Il a reproduit, à la voile, l'expédition de Audubon en 1989-90, comme C. W. Townsend en 1915. Sa thèse de doctorat porte sur ce sujet. Il en a fait un résumé dans Le Naturaliste Canadien, Vol.123, No. 1, Hiver 1999, «Le voyage de John James Audubon au Labrador (1833)», pp. 67-74 et dans le Littoral, Numéro 16, Automne 2021, pp. 6-53, «Pierre-Olivier Combelles sur les traces de John James Audubon au Labrador, en Basse-Côte-Nord, en 1833». Vous y trouverez notamment la liste des 28 dessins d'Audubon qui proviennent de la Côte-Nord avec les planches correspondantes dans «Birds of America» son oeuvre ultime.

Je reviens au livre de Réal Boulet; il nous présente brièvement Henry George Vennor pour ses descriptions des hiboux en 1860 et son ouvrage «Our Birds of Prey» publié en 1876. À cette période, j'aurais peut-être glissé un mot au sujet de Archibald Hall (1812-1868) qui avait produit un mémoire «On the Mammals and Birds of the District of Montréal» pour le compte de la Natural History Society of Montréal (fondé en 1827) dont l'essentiel a été publié dans différents articles du Canadian Naturalist and Geologist. Il y a eu William D'Urban qui a identifié 75 espèces lors d'un relevé en Outaouais à la demande de la Commission géologique du Canada. Il en a publié un résumé dans la même revue. En fait, ils étaient plusieurs membres de cette Société, certains étaient médecins et affiliés à McGill. Tout ce beau monde se côtoyait... Il y a là du matériel pour un autre ouvrage sur l'histoire de l'ornithologie.

En somme, merci Réal, pour les découvertes et ces moments passés avec ces personnages historiques dont nos oiseaux ont su attirer l'attention.

1 commentaire:

  1. Au sujet des écrits du père Gabriel Sagard, le lecteur intéressé pourrait également jeter un œil à son «Histoire du Canada et voyages...» (1636), dans le Troisième livre au Chapitre II, il y est question «Des oyseaux plus communs du Canada». De plus, l'édition critique établie par Marie-Christine Pioffet (2022) y ajoute des notes fort intéressantes.

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